Lettre à ma mère : Une plongée dans la mémoire transgénérationnelle au féminin.

Maman,

Je ne comprends pas pourquoi ma vie est si compliquée.

Pourquoi je n’arrive pas à faire confiance à quelqu’un.

Pourquoi je me sens rejetée, mal aimée, mal comprise.

J’ai toujours peur de ne pas être assez bien.

Je ne te reproche rien.Mais j’ai besoin de comprendre.

De comprendre ce mal-être que je ressens.

Et de comprendre pourquoi tu as été si froide, si exigeante avec moi.

Je sens bien qu’il y a quelque chose que je ne maîtrise pas, quelque chose qui me dépasse.

Peut-être quelque chose que tu m’as transmis.

J’ai beau me débattre, rien n’y fait.

J’ai l’impression de ne pas être à ma place.

Et parfois, je me dis :si je suis comme ça, c’est peut-être à cause de toi.

Mais aujourd’hui, je ne cherche pas un coupable.

Je cherche un passage.Une issue.Une porte de sortie.

S’il te plaît, parle-moi de toi.

De ton histoire.

De ta vraie histoire, pas celle qu’on raconte aux petits-enfants, pas celle des contes de fées.

Mais celle de tes blessures, de tes doutes, de tes manques, de tes peurs.

Voilà.J’en suis là.

Et je suis prête à t’écouter.

Ma fille,

Je suis surprise, et bouleversée, et tu as raison.

Il est peut-être temps, oui, temps que je te parle de moi.

Pas de la mère que j’ai essayé d’être, mais de la femme que j’ai été.Et peut-être même… de l’enfant que j’ai été.

Je viens d’une famille nombreuse.

Et trouver sa place dans cette famille n’a jamais été facile.J’étais l’aînée.

On m’a demandé très tôt de m’occuper des plus petits.Il fallait aider, il fallait travailler, il fallait tenir la maison.

Il n’y avait pas de place pour les jeux.Pas de place pour les émotions.Et encore moins pour l’amour exprimé.

Je n’ai jamais vraiment eu d’enfance.

Je me suis effacée.

Je me suis oubliée.

Alors un jour, j’ai voulu fuir.J’ai épousé ton père pour quitter cette maison.

Parce que j’avais simplement besoin de liberté.

Je pensais que ce serait une délivrance.Mais je suis partie sans savoir comment vivre autrement.

Quand je suis devenue mère à mon tour, je me suis promis d’être différente.Je me suis dit que toi, tu aurais une autre vie.

J’ai travaillé dur.Et j’ai exigé que tu sois forte.Que tu fasses des études.Que tu t’en sortes.

Parce que moi, je m’étais sacrifiée.

Je m’étais oubliée pour mes frères et sœurs.Et je voulais que toi, tu sois libre.Mais dans ma manière de vouloir t’en protéger, j’ai peut-être été dure...Trop dure.

Et je prends conscience aujourd’hui qu’en ne voulant pas reproduire, j’ai quand même créé un autre schéma, différent, mais tout aussi lourd.

Je ne te demande pas de me comprendre, ni de me pardonner.

Mais je veux que tu saches que j’ai fait comme j’ai pu, avec ce que j’avais.

Et aujourd’hui, par amour pour toi, je suis prête à lâcher ce passé, à ne plus te faire porter ce qui n’est pas à toi.C’est à moi de reprendre mes responsabilités.

Pour que toi, tu puisses vivre autrement.

Tu peux marcher plus libre, plus légère, plus vraie.

Tu peux choisir.Vraiment choisir la vie que tu veux mener.

Et moi, aujourd’hui, je te vois.Je te reconnais.Telle que tu es.

Et ce que tu es…est tout simplement parfait.